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Richard Bona: pour le virtuose bassiste et pluriinstrumentiste camerounais, la musique est un héritage partagé (VIDEO)

Bassiste et multi-instrumentiste né au Cameroun et devenu propriétaire d’un club à New York, sa ville. Au sujet de son aventure cubaine qui a donné naissance à « Mandekan Cubano Héritage », son nouvel album, le 7ème sous son nom, Richard Bona (car c’est de lui qu’il s’agit)  a déclaré: «Je veux célébrer la réunion plutôt que la souffrance, célébrer la vie…»

« Le Bonafied », son club arrive en tête d’un classement des clubs de jazz new-yorkais, établi par le site Yelp. Le bassiste et chef d’entreprise l’a appris la veille, et la nouvelle le rend particulièrement heureux: «Je voulais quelque chose de différent, un club qui sonne comme nulle part ailleurs, où le son est bon, quelle que soit la place où tu te trouves un peu comme dans un studio d’enregistrement. De plus, les subs sont dans le parquet. Tu ne vois aucune enceinte», confie le bassiste né au Cameroun il y a moins d’un demi-siècle.

«Il ne viendrait pas à l’idée d’un musicien qui construit son propre studio, de traiter à la légère l’acoustique de son lieu. J’ai donc porté  la même attention au son du Bonafied qu’à celui de mes deux studios. Mais ce n’est pas la seule raison de notre succès. Je voulais surtout qu’on parie sur la jeune génération, qu’on veille à permettre à de nouveaux talents d’éclore, qu’on les accompagne. Au Bonafied on accueille des écoles de musique et l’on s’ouvre à des publics qui ne font pas partie du sérail. Hier par exemple, il y avait une soixantaine de musiciens pour une master class tous niveaux confondus», commente-t-il en montrant sur son téléphone une photo qu’il a reçue.

Le musicien qui revendique le statut d’entrepreneur ne passe rarement jamais plus d’une semaine d’affilée à New York. De concert en séances d’enregistrements, il parcourt le monde. «Je n’arrive pas à me passer de New York, c’est une ville monde et j’ai besoin de cela, besoin des rencontres qu’elle procure, de son fourmillement. J’ai bien essayé de m’installer ailleurs. Barcelone m’a tenté, mais cela ne fonctionne pas»

Cuba et ses musiques

Pragmatique, il a fait construire un studio à un peu plus d’une heure de Paris et de l’aéroport Charles de Gaulle. «Comme ça je peux travailler ici aussi et développer des projets avec des musiciens européens. » Il se pourrait bien qu’il y enregistre un de ses futurs projets, un album flamenco, à moins qu’il ne décide le réaliser en terre andalouse: « Si j’aime cette musique, cette danse, je ne pense pas qu’on puisse les détacher du contexte dans lequel elles sont nées. La musique raconte aussi en filigrane, l’histoire des hommes et des femmes et des sociétés», confie ce fan de Paco de Lucia.  

Cette réflexion vaut aussi pour la genèse d’Héritage, son nouvel album enregistré dans son studio aux limites de l’Oise et de la Picardie avec un quintet d’exception (Osmany Paredes au piano, Lusito et Roberto Quintero aux percussions, Rey Alejandre au trombone et Dennis Hernandez à la trompette).

«Il raconte une histoire merveilleuse et douloureuse à la fois, celle de Cuba et de ses musiques. En cinq siècles, cette île toute en longueur a donné naissance à un métissage étonnant. Elle a digéré des civilisations les plus diverses, qu’elles soient amérindiennes, européennes, africaines et même asiatiques. Embrasser cette différence, c’est laisser la tolérance entrer dans ton cœur. Ce qu’on oublie souvent, c’est que le métissage s’y est fait naturellement. L’esclavage était à l’époque un commerce légal. On peut aujourd’hui trouver cela abject, mais c’était ainsi. Que dira-t-on dans un siècle du commerce du pétrole, de l’or et de toutes les matières premières qui ne profitent que rarement aux populations installées sur le sol dont elles sont extraites et pour lesquelles nos gouvernants sont prêts à déclencher des guerres ? interroge Richard Bona. La musique embrasse les différences et réunit les gens, pas la politique ni la religion. Les esclaves ont, quand ils ont pu, sauvegardé les musiques des pays dont ils étaient originaires tout en se familiarisant avec les instruments de musique de facture européenne de leurs maîtres. Les maracas ont des origines amérindiennes et asiatiques, pas africaines. Ce sont toutes ces différences qui ont donné naissance aux musiques cubaines», rappelle Richard Bona, avant d’ajouter comme pour ponctuer son éloge de la diversité et de l’altérité: « Les gens de mon village n’ont rien à m’apprendre!».

 Apprendre et transmettre

 

Cette soif d’apprendre et de transmettre est au cœur de son propos. Pour lui, la musique n’est pas qu’une histoire de virtuosité, mais plutôt d’échange, d’ouverture à l’autre. «Il faut jouer de la musique, même si tu es médecin. C’est un plus indéniable que de rentrer chez soi après une journée de travail et que de pouvoir pratiquer un instrument. Après, tout n’est question que de répétitions. Répéter, encore répéter», ajoute celui qu’on surnomme le surdoué de Douala.

«Ma mère dit souvent que j’ai su rester le gamin que j’étais, le gamin qui voyant pour la première fois un parachute, s’est saisi d’un parapluie et a sauté du haut d’un parapet. Rien ne m’est interdit. Un jour, j’ai approché le sitar. L’instrument m’a plu. J’ai travaillé. Je ne suis pas devenu un virtuose, mais j’en joue suffisamment pour avoir enregistré les parties de sitar de cet album», commente ce travailleur acharné et sans fin qui reprend à son compte l’explicite adage taoïste:«the more you know, the less you know»*

(* »Plus tu sais, moins tu sais! »)

Squaaly (RFI Musique)

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