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PRIX MO IBRAHIM: Et si l’on pensait plutôt à l’opposition africaine?

Un prix sans preneur?

Depuis sa création en 2007, par l’homme d’affaires soudanais, Mo Ibrahim, une fois de plus, le prix qui porte son nom n’a trouvé aucun lauréat sur le continent africain.

altRappelons ici, que pour l’initiateur de ce prix, il s’agit de récompenser d’anciens chefs d’Etat africains qui ont accepté de jouer le jeu de l’alternance démocratique, qui n’ont pas tenté de «violer» la Constitution de leurs pays, et qui se sont impliqués, après leur départ pacifique du pouvoir, dans des causes chères à l’évolution du continent. Comme on peut le voir, il s’agit là de «critères rigoureux», voire sévères quand on connaît l’état des mœurs et pratiques politiques sur le sol africain. Et, c’est ce qui a conduit le président du comité du prix, le Tanzanien Salim Ahmed Salim à marteler sèchement: «Aucun Africain ne remplit ces critères». Un verdict triste et consternant!

Comment expliquer une telle situation? Mo Ibrahim ne doit-il pas songer à «repenser», voire «réorienter» les critères régissant son prix?

L’enracinement des «valeurs démocratiques» de l’Etat de droit relève encore ici d’une vue de l’esprit.

Il convient de souligner, de prime abord, que la démarche de Mo Ibrahim est parfaitement originale. Personne, au sein du monde des affaires africaines, n’avait vu avant lui les choses sous cet angle. En créant ce prix, il a voulu que celui-ci joue un rôle considérable dans «la modernisation politique» du continent africain. Dans sa vision, il s’agit d’utiliser ce prix comme «une arme puissante et redoutable», en vue de faire avancer l’Afrique. En vérité, Mo Ibrahim a songé aux «générations futures africaines», et c’est avec sincérité qu’il a voulu servir la cause de la démocratie sur notre continent.

Cela dit, le fait que ce prix ne trouve pas de lauréats, d’année en année, témoigne de la «désintégration» morale, éthique et surtout politique dans laquelle se trouvent les sociétés et les Etats africains. Cela montre bien que l’enracinement des «valeurs démocratiques» de l’Etat de droit relève encore ici d’une vue de l’esprit.

On a cette impression que les chefs d’Etat africains ont peur du prix Mo Ibrahim et qu’ils le considèrent comme étant un des plus grands dangers pour leurs pouvoirs. C’est dire que, dans leur vision politique, l’Etat s’identifie à leurs intérêts personnels. A tel point qu’on pourrait en déduire que le seul précepte politique qui les guide est: «L’Etat, c’est moi». Et dans cette logique, l’Etat, c’est aussi leur tirelire personnelle qui est autrement plus intéressante que le prix Mo Ibrahim. La valeur morale que confère ce prix, les chefs d’Etat africains s’en gaussent royalement.

Ils n’osent pas s’attaquer au prix, encore moins à l’esprit qui anime son initiateur ; ils se contentent, en vérité, de l’ignorer, tout en pariant secrètement sur son échec. Bref, pour eux, Mo Ibrahim doit «fermer boutique».

Cela n’étonne personne. Beaucoup parmi les chefs d’Etat africains sont hostiles au système républicain de limitation et de contrôle du pouvoir, tellement ils ont été adeptes de pouvoirs abusifs. Sur notre continent, les résultats d’élections dites démocratiques sont souvent déterminés à l’avance par les préférences de ceux qui sont au pouvoir.

Sur le sol africain, de nouvelles forces, issues des «sociétés civiles» sont apparues, avec lesquelles Mo Ibrahim devra désormais compter.

Sous le couvert de la démocratie, l’Afrique est devenue la terre élective de nouvelles formes de «féodalités politiques». Ici, on rêve, on veut que les peuples acclament, adorent, et «divinisent» des chefs qui ont très peu d’estime pour la démocratie réelle. Celle-ci signifie le respect de la volonté populaire, de l’opposition et de la Constitution. Or, le continent africain compte, malheureusement, trop de «traîtres» à la cause des idéaux républicains et démocratiques. Nous manquons de «grands dirigeants politiques, d’hommes d’Etat doués d’une profonde sagesse politique.

Bien sûr, le prix Mo Ibrahim n’a aucune valeur contraignante. Mais en aucun cas, il ne faut le discréditer. Car avec Mo Ibrahim, nous avons affaire à un homme résolument démocrate, engagé, sincère, honnête, un partisan dévoué de «la cause africaine».

Cela dit, Mo Ibrahim devra envisager la modernisation politique du continent dans une perspective plus large. L’opposition démocratique reste le centre de gravité de tout système politique moderne. Et, dans un Etat démocratique, la majorité et l’opposition se complètent réciproquement, dans l’intérêt supérieur du pays. A l’heure actuelle, vu que la démocratie continue de s’apparenter, pour nombre de chef d’Etat africains à une jonglerie avec les mots, Mo Ibrahim doit songer à «réorienter», «réaménager» certains aspects de son prix.

Pour ce faire, ce prix devrait contribuer à soutenir, encourager les oppositions africaines jugées « crédibles ». Elles manquent, en règle générale, d’argent, face à des systèmes ploutocratiques.

L’enjeu ici, consiste à «provoquer», sur le continent, des alternances politiques dignes de ce nom. Ainsi, dans leur noble combat, ces oppositions vont pouvoir exister, de manière libre et autonome, dans l’arène du combat politique.

Une telle réorientation du prix sera manifestement féconde et aura des conséquences pratiques sur l’avancée démocratique des sociétés africaines. Sur le sol africain, de nouvelles forces, issues des «sociétés civiles» sont apparues, avec lesquelles Mo Ibrahim devra désormais compter. Quoi qu’il en soit, il lui faudra trouver une meilleure solution, en tranchant ce nœud gordien qu’est le refus de la pratique de «l’alternance» par les chefs d’Etat africains.

Oui, le prix Mo Ibrahim a encore de beaux jours devant lui. Son initiateur ne doit, en aucun cas, renoncer à son juste et noble combat en faveur de la démocratique, encore moins, face à l’absence de lauréats, avouer, de façon prématurée, sa défaite. Et la grande rigueur qui caractérise les critères crédibilise indiscutablement le prix et honore Mo Ibrahim lui-même.

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