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SONY LABOU TANSI: Hommage à l’illustre écrivain congolais, à Paris

Héritage culturel d’un vrai « Labou…reur » littéraire! 

Pour clôturer la semaine de représentations de la pièce « Sony Congo ou la chouette petite vie bien osée de Sony Labou Tansi» au théâtre parisien Le Tarmac, Henri Lopes et Emmanuel Dongala ont évoqué le souvenir de l’illustre plume congolaise qui a quitté cette terre, il y a 25 ans. À ces évocations, il faut ajouter les témoignages vidéos du romancier Alain Mabanckou, du dramaturge Dieudonné Niangouna ainsi que du cinéaste et écrivain Léandre Alain Baker venus ponctuer cette rencontre animée par Bernard Magnier, le 14 février. 

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Au Congo, les morts ne sont jamais morts et l’ombre de Sony Labou Tansi, poète, dramaturge et romancier majeur planait dans le Théâtre du Tarmac, dont la scène était devenue pour la circonstance un coin de parcelle où l’on évoquait avec tendresse, et souvent dans les rires, souvenirs et anecdotes sur le défunt.

Sony, c’était un «grand du quartier», vivant humblement

Exerçant la profession d’enseignant à Pointe-Noire, Sony Labou Tansi, bien qu’ayant déjà gagné quelques prix, était pour Léandre Alain Baker, alors adolescent de 12-13 ans, un simple grand-frère du quartier, qui avait chez lui des cahiers d’écoliers noircis de divers textes. «Ce n’est qu’après la sortie de « La vie et demie » (*en 1979 NDLR), que j’ai su ce qu’il représentait pour la littérature congolaise», confesse-t-il.

Résidant plus tard à Brazzaville, Henri Lopes se souvient d’une première rencontre au domicile de l’auteur, dans le très populaire quartier de Ouenze-Manzanza: «J’ai trouvé quelqu’un assis sur un tabouret et écrivant sur une simple table en bois». Alain Mabanckou abonde dans ce sens: «La première fois que je l’ai rencontré, il était en pleine partie de volley-ball avec les petits du quartier. Il l’a interrompue pour me recevoir à son domicile». Ce domicile était quelque peu singulier. «Il habitait une maison en planches à laquelle on accédait en passant par une petite forêt. Il y avait partout des bougies, des calebasses et des exemplaires de Gabriel Garcia Marquez. On aurait dit une parcelle de « corbeaux »» témoignent, suscitant l’hilarité des Congolais présents dans la salle du Théâtre du Tarmac, Dieudonné Niangouna et Alain Mabanckou. 

Pour Emmanuel Dongala, qui fut très proche, s’il n’était pas Matsouaniste, Sony Labou Tansi avait en effet une «mystique très ancrée dans la mémoire Kongo». Propos appuyé par Henri Lopes: «Sony était un homme d’action à sa manière mais dans la mystique». 

Sony, c’était un géant, une figure tutélaire de la littérature, écrasante, voire intimidante

«Dans les années 1980, après sa publication au Seuil, La vie et demie circulait sous le manteau. Tous les jeunes qui aspiraient à devenir écrivains devraient passer par Sony», se souvient Alain Mabanckou. Une influence qui se poursuit jusqu’à ce jour raconte Dieudonné Niangouna pour qui «c’est comme une forme d’initiation, il faut lire Sony quand on commence le théâtre». Mais ce poids porte également un côté un peu néfaste selon Henri Lopes et Emmanuel Dongala. «Il y a beaucoup d’épigones de Sony qui essayent de « refaire du Sony ». Ils ont tort», déplore l’ambassadeur-écrivain. Analyse confirmée par Emmanuel Dongala: «Sony est unique. De nombreux de jeunes, voulaient « faire du Sony » et ne sont pas parvenus à le « tuer »». 

«Bouleversement des codes» pour Léandre-Alain Baker, «apport de quelque chose de nouveau dans la langue», selon Emmanuel Dongala, «force du langage et nouvelle manière d’occuper l’espace» quant à Alain Mabanckou, le talent et l’influence sur la production littéraire congolaise de Sony Labou Tansi est décisive. 

À la manière d’un Socrate, Sony Labou Tansi était également un accoucheur, une école de maïeutique de l’écriture selon Dieudonné Niangouna. «Il y a chez Sony toute une cosmogonie de l’écriture qui mène à la libération de soi, à la naissance de soi, il faut s’accoucher soi-même, se porter, porter son écriture» explique le dramaturge. 

«Agitateur de la conscience de la jeunesse», pour reprendre le mot de Léandre-Alain Baker, Sony Labou Tansi a également été attiré par la politique. «Il a rejoint les rangs du MCDDI de Kolelas et a réussi l’exploit de se faire élire député sans faire de campagne. Mais il n’allait en séance et envoyait quelqu’un récolter ses jetons de présence», témoigne Henri Lopes. 

C’était le temps où l’on parlait de la dictature du SOMADO, contraction des noms des directeurs de troupe qui trustaient le devant de la scène théâtrale congolaise de l’époque: Sony, Matondo et Dongala. Ils étaient à la tête respectivement du Rocado Théâtre, de la Troupe artistique Ngounga et du théâtre de l’Éclair. Bien qu’en compétition, les uns assistaient aux répétitions des autres. C’était aussi l’époque de la censure communiste dont les écrivains se jouaient, parfois avec humour. Malicieux, Sony Labou Tansi a ainsi infligé à un agent de la sécurité d’État, venu espionner une séance de répétition, la laborieuse répétition par l’un de ses acteurs d’un unique mouvement de scène: se lever d’une chaise, traverser la scène et revenir à son point de départ et ce, pendant une heure. L’histoire ne dit pas s’il a suscité une vocation théâtrale chez le « barbouze » qui s’est vu infliger cette purge… 

L’année de commération en l’honneur de Sony Labou Tansi va se poursuivre tout au long de l’année 2015 avec des rééditions de ses textes, des expositions, des lectures, etc. 

«L’art continue sa route, il conspue les modes et il aura le dernier mot».

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