Election présidentielle ou référendaire? c’est la question.
La question est loin d’être saugrenue au regard de la situation qui prévaut au Sénégal bien avant, et même après l’ouverture de la campagne électorale le dimanche 5 février 2012.
En effet, alors qu’on était en droit de s’attendre à un choc des programmes de société portés par les différents candidats, on est en train d’assister à une sorte de campagne référendaire qui se résume à répondre par oui ou par non à la candidature du président sortant, Abdoulaye Wade.
Dans ces conditions, les questions portant sur les vrais problèmes des Sénégalais risquent de passer à la trappe. La problématique juridique, émotionnelle, voire sentimentale de cette nouvelle candidature de Wade occupe le devant de la scène pendant que les débats de fond sont relégués au second ou carrément au troisième plan. Atypique campagne électorale donc !
En focalisant le discours sur cette candidature du président sortant, l’opposition court le risque de jouer sur un tableau dont le citoyen lambda n’a cure. En effet, dans les villages et autres hameaux de culture, l’électeur de base ne saisit pas les subtilités juridiques ou les enjeux de cette nouvelle candidature de Gorgui, et même qu’il se fout de cette guéguerre comme de sa première barboteuse.
De plus, cette stratégie est susceptible de diviser une opposition dont les leaders ont des trajectoires et des visions différentes. Car, en réalité, ce qui les unit, c’est leur adversaire commun. Mais si Wade disparaîet, ils vont se crêper le chignon, chacun pensant qu’il est le mieux indiqué pour assurer les fonctions présidentielles.
D’ailleurs, on a commencé à en voir les premiers signes de fissures avec la décision de la candidate Amsatou Sow Sidibé de se démarquer du Mouvement du 23 juin, car, a-t-elle déclaré: «Je ne peux pas passer tout mon temps à parler de la candidature de Wade. Je ne peux pas continuer à la dénoncer. Je suis en campagne électorale, et je me concentre sur les préoccupations des populations pour essayer de leur trouver des solutions».
Elle-même avait été devancée par Macky Sall sur ce terrain au point que les autres opposants accusaient l’ancien président du Parlement sénégalais d’être devenu «un gâteau» (ndlr : un vendu, un collabo du pouvoir en place). Macky Sall a été bien obligé de se justifier.
Mais le mal est déjà fait. La graine de la zizanie est déjà semée. Du coup, les différents leaders vont se soupçonner de rouler le jour pour l’opposition et la nuit pour le pouvoir. Et le moins que l’on puisse dire est que cette graine de la zizanie a été semée dans une terre réceptive et fertile, vu que beaucoup de poids lourds de l’opposition sont d’anciens invités à la soupe de Wade. Certains ont d’ailleurs fait preuve de leur agilité à aller et à venir entre les prairies verdoyantes du camp présidentiel et les plaines caillouteuses et épineuses de l’opposition. Le candidat Idrissa Seck, ex-fils spirituel de Wade et ancien Premier ministre, sait bien de quoi nous parlons.
La guerre de positionnement au second tour est peut-être en train de se mener sans tambour et sans même qu’on attende le premier round. Le temps des alliances souterraines a-t-il déjà sonné ? Difficile d’y répondre par l’affirmative, même si aucun candidat sérieux ne peut sérieusement confesser ne pas y songer déjà.
Mais celui qui ne veut pas entendre parler du second tour doit être justement Abdoulaye Wade, qui pourrait laisser des plumes, voire son fauteuil présidentiel s’il était contraint à un autre round après le 26 février.