in

COLETTE BADJI: Mannequin et actrice sénégalaise résidente en France

Mode, cinéma et Droits de l’Homme!

«Le racisme et la discrimination empêchent notre évolution dans le milieu de la mode européenne».

Après avoir embarrassé très jeune une carrière de mannequinat au Sénégal, Colette Badji poursuit son rêve en France où elle vit depuis 12 ans. Parallèlement à ce métier, elle a entamé une reconversion au cinéma depuis quelques années. Dans cet entretien avec Afrique Connection, l’ambassadrice de l’Association Internationale des Droits de l’Homme (AIDH) parle de sa carrière, des facteurs contraignants pour les mannequins étrangers résidant en France, mais aussi de ses combats pour l’émancipation de la femme africaine.

altComment êtes-vous entrée dans le mannequinat?

Le mannequinat a toujours été une passion pour moi. Aujourd’hui encore, cette passion reste intacte. J’ai découvert le métier de mode au Sénégal à travers les concours de beauté dans les quartiers. Mes premières séances de photos m’ont tout de suite convaincue que c’était la voie que je devais suivre. J’ai eu mes premières expériences professionnelles à Dakar, au Sénégal, Nouakchott (Mauritanie) et en Gambie, dans le cadre de la préparation de l’élection Miss Sénégambie en 1998. J’étais déjà mannequin à l’âge de 14 ans. Depuis lors, j’ai pris mon destin en main. Aujourd’hui, dans un monde de plus en plus interactif et ouvert sur les cultures du monde entier et la diversité, je m’efforce à ma façon de promouvoir la beauté sénégalaise et africaine dans une ville comme Paris, qui est un haut lieu de la mode mondiale.

Quels sont les défilés à votre actif aujourd’hui?

Je travaille dans le milieu de la mode depuis mon adolescence. C’est pour vous dire que je ne saurai citer ici tous mes défilés. Je retiens simplement ma participation au Black Fashion Week de Paris et d’autres podiums, au côté des stylistes célèbres et d’autres un peu moins:  Imane Ayssi, Martial Tapolo, Babéte SUKI, Mariétou Mariétte Dicko, George De Bédran, Sadio Bee, etc ….

Il y a aussi les showrooms privés pour le compte d’Yves St Laurent et Jhon Galianno pour Dior, mais aussi Nanou Diamant de L’Orient, les stylistes Enzo Itzaky à Dakar et Alphao Bah en Guinée.

Pouvez-vous nous parler des films dans lesquels vous avez tenu un rôle?

Effectivement, après plusieurs années de mannequinat, je me suis lancée dans une carrière de cinéma. J’ai eu l’honneur de jouer dans le film «Le calme» dont le tournage a débuté le 12 décembre 2012, avec deux jeunes réalisateurs de la diaspora africaine. C’est mon premier film. C’est un  court métrage  produit par D. Domandé et B Nonga dans lequel je joue le rôle de Phyllie une amie de Djimo, l’acteur principal, et dont elle est secrètement amoureuse. Le film traite du  sang froid que l’on doit absolument garder lorsqu’il y a incompréhension entre certaines personnes. Il est en court de montage, sa sortie est prévue fin 2014.

J’ai également joué le rôle d’une figurante qui rentre de Turquie en compagnie de ses copines, dans «Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu». C’est un film de Philippe de Chauveron, dans lequel tous les clichés du monde son réunis. Mais attention, c’est assumé. Ici, l’humour met en avant les clichés pour justement s’en moquer comme rarement. C’est une façon de mettre ces clichés à terre.

Dans  le film «Samba» d’Eric Tolédano et Olivier Nakache (figurante et  silhouette),  avec Omar SY, Charlotte Gainsbourg.  Il met en évidence les aventures de Samba, un sans-papier. Sa sortie est prévue au mois d’octobre 2014.

Il y a aussi «Jour de liesse» dans lequel je joue le rôle de Patricia, une jeune femme africaine très élégante.

Gaston et Honorine Samba, des Africains vivant en France depuis longtemps, arrivent au soir de leur vie. Ils auraient fini leurs jours dans l’allégresse, s’ils n’avaient pas un souci majeur, leur fille Wylena qui ne leur a pas encore donné des petits enfants. Ce qui est préoccupant pour une fille de 35 ans. La mère, qui milite dans plusieurs associations africaines, se plaint de porter des pagnes de mariage des filles des autres. Elle demande souvent à Dieu quand est-ce les autres femmes porteront le pagne du mariage de sa fille. Un jour, Wyléna dit à sa mère qu’elle va venir leur présenter quelqu’un. La joie de la mère fut immense. Ce film aussi est en court de montage.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans le cadre de votre vie professionnelle en France?

Il y a le racisme et la discrimination qui nous empêchent d’évoluer dans le milieu de la mode européenne. C’est un sérieux problème lié à la faiblesse de l’être humain moderne. Malheureusement cela existe dans tous les milieux de la mode.

Vous êtes ambassadrice de l’Association Internationale des Droits de  l’Homme. A quoi consiste exactement votre rôle?

Il faut d’abord dire que cette association est soutenue par d’éminentes personnalités de tous bords à l’instar de Monsieur Olivier Stirn, ancien Ministre, président du Conseil National de la Diversité, ancien Ambassadeur, et membre d’honneur de l’A.I.D.H. Présidée par sa fondatrice Françoise Traverso, juriste spécialisée en droits de l’Homme, l’Association Internationale des Droits de l’Homme est composée d’un bureau exécutif de cinq membres, de membres d’honneur, de parrains, de marraines, d’ambassadrices, d’adhérents, de partenaires, de correspondants et de sympathisants à travers le monde.

Nous-nous battons pour une égalité des droits femme-homme dans toutes les sphères de la vie, l’éducation indifférenciée dès le plus jeune âge des garçons et des filles, le respect de la dignité humaine et l’éradication des stéréotypes existants, la mise en place d’un Centre d’accueil, d’écoute, de formation et d’accompagnement des femmes victimes de violences. L’AIDH est  un lieu de formation à l’éducation parentale, à la transmission des valeurs intergénérationnelles, au respect et à l’acceptation de l’autre. Bref, un mieux vivre- ensemble dans un cadre de solidarité Internationale et d’échange éducatif.

L’AIDH organise une rencontre sur la situation en Centrafrique, fin mai. Pouvez-vous définir les contours de cette rencontre, et les retombées attendues?

Effectivement, nous avons invité toute la diaspora africaine et France et d’ailleurs et toutes les associations pour discuter sur la paix en Centrafrique, mais aussi plus généralement sur les problèmes qui secouent le continent africain. Nous sommes tous concernés par ce qu’il se passe en Afrique en général, et en Centrafrique en particulier. Parce que la Dignité humaine et les droits de l’Homme sont bafoués toutes les secondes, nous devons donc ensemble nous mobiliser et appeler à une prise de conscience sur ces tars sur notre continent, afin de changer les choses. C’est dans ce cadre que s’inscrit le colloque du 31 mai sur la Centrafrique.

Sous quelle forme se manifeste votre engagement pour une amélioration de la condition des femmes?

Nous organisons des tournées de sensibilisation sur les violences faites aux femmes, nous allons à la rencontre des femmes victimes de violences pour leurs apporter un soutien moral d’abord, puis voir avec elles dans quelles mesures nous pourrions les aider à créer des activités socioéconomiques.

Je suis originaire de la Casamance, dans le sud du Sénégal, où sévit une crise militaro-politique depuis 1982. Cette région est jadis considérée comme le «grenier du Sénégal». Plus de 800 personnes ont été victimes des mines, essentiellement de femmes et des enfants. C’est une région où les femmes sont très dynamiques, engagées et participent pleinement aux développements socioéconomique et culturelle de cette belle région naturelle, que j’aime beaucoup. Les femmes, qui sont les populations les plus vulnérables, ont des difficultés d’accès aux rizières. Certaines d’entre elles sont depuis des années déjà en quête de moyens de subsistance familiale. Mon devoir est de venir en soutien à mes mamans et à mes sœurs. D’ailleurs j’en profite pour lancer un appel aux autorités et à mes frères de ne ménager aucun effort afin de maintenir cette paix dont nous avons tant besoin, et qui est la condition préalable au développement de cette région du Sénégal. Je leur demande aussi de nous venir en aide pour financer les projets des femmes de la Casamance et d’ailleurs.

Votre combat est-il uniquement orienté envers les femmes qui vivent dans des zones de conflit?

Mon rôle ne se limite pas essentiellement à ce niveau. J’interviens à tous les niveaux où la femme se trouve dans une situation de faiblesse.   Par exemple, avec l’AIDH, je me bats aussi pour inciter les femmes battues par leur mari à porter plainte. J’ai envie de dire à toutes les femmes que dès qu’elles sentent que quelque chose ne va pas, il faut partir. Parce que je suis persuadée qu’il y a encore beaucoup de femmes qui ne savent pas qu’il existe des maisons d’accueil ; et c’est dommage. La violence des hommes envers les femmes, elle existe, elle a toujours existé. Elle est là autour de nous, parmi nous. Mais nous ne la voyons pas, nous ne voulons pas la voir. Nous ne l’entendons pas, nous ne voulons pas l’entendre. Ou pire encore: pour beaucoup d’entre nous, ces comportements masculins violents ne sont que «traditionnels», «possessifs», «religieux» ou même «difficiles». Ce faisant, nous nions et cautionnons la violence de ces hommes envers leurs compagnes. «Ce qui ne se voit pas, n’existe pas». Il fallait «qu’on en parle». Il fallait vous faire comprendre ce quotidien de violence, de terreur, de douleur, d’humiliation vécu par beaucoup de femmes, pour que vous voyiez, pour que vous entendiez. Il n’y a que les femmes qui ont été confrontées à ces situations qui peuvent en témoigner. Cette violence, cette douleur, cette terreur, cette humiliation, elles l’ont vécue, elles l’ont supportée … certains y ont  échappé, par la Grâce de Dieu. Malheureusement, plusieurs femmes n’ont pas eu cette chance. Lorsqu’elles sont dans cette situation, elles mettent beaucoup de temps à accepter que la victime, c’est bien elles et pas l’autre. Au début, elles se disent que c’est de leur faute. Alors, j’ai envie de dire à tout le monde : «Dites non, et Stop à cette violence!»

Quels sont vos projets futurs?

Comme vous l’avez constaté, je suis une femme responsable de famille, j’ai la responsabilité de l’éducation de mes enfants. Malgré tout je suis très sollicitée par des associations humanitaires. Aussi, je travaille sur un grand projet que je rêve de réaliser pour les femmes de la Casamance et d’ailleurs.

En Décembre et janvier 2014, j’ai eu l’honneur d’être invitée au Sénégal et en Gambie par des associations humanitaires : Z’ARTS Association, dont le président est un artiste qui vit en France, et OSDEC  (Organisation sénégalaise pour le développement économique et culturelle). C’était pour sensibiliser l’opinion sur les violences faites aux femmes et aux enfants.

A Ziguinchor, j’ai eu le plaisir de poser la 1ére pierre de la construction de la salle polyvalente pour les femmes de la Casamance, une salle qui porte mon nom et celle de l’A.I.D.H. c’est un très grand honneur pour moi. Car je porte en moi cette belle région du Sénégal, où je suis natif.

En tant que femme et mannequin, tous mes projets futurs consistent à continuer dans ce combat pour la réalisation d’un monde meilleur et la promotion de la femme et de la mode africaine. Hormis la promotion du colloque du 31 mai sur la Centrafrique, le 22 juin je serai la marraine de la mode de l’Afrique de l’ouest, lors de la Waris Fashion Show à Paris. C’est un projet qui permettra de financer pendant trois ans  les études de stylisme de la jeune Amina Ka, à l’école Oumou SY au Sénégal. Ce sera une journée aux couleurs du monde.

Du 1er  au 30 Juin, nous mènerons une campagne de sensibilisation sur les violences à l’égard des Femmes. Le samedi 11 octobre, l’A.I.D.H organise un gala de charité à Paris, axé sur la thématique de l’«Autonomisation Économique de la Femme».

Du 22 au 29 octobre 2014, place à la 10éme édition de Z’ARTS de Ziguinchor (Sénégal), qui est une rencontre internationale des arts de Ziguinchor. Ce sera en prélude au XVème Sommet de la Francophonie qui se tiendra en novembre à Dakar. En tant que marraine de cette 10éme édition, je serais aux côtés des artistes plasticiens et Madame Haris Fatou, présidente de l’association C.L.V.F (Comité régional de Lutte contre les Violences faites aux Femmes), qui animeront une conférence sur les violences faites aux femmes et aux enfants dans l’espace francophone.

L’année 2014 sera bouclée avec une table ronde organisée par l’A.I.D.H en novembre à Yaoundé, au Cameroun. La rencontre portera sur la «problématique des violences à l’égard des Femmes»,  en partenariat avec le Ministère de la Femme et de la Famille.

Propos recueillis par Thierno DIALLO

SEMAINE AFRICAINE DE L’EAU: La qualité de l’eau destinée à la consommation au centre des débat, à Dakar

SOUDAN: Meriam Yahia Ibrahim Ishag, la femme de 27 ans condamnée à mort pour apostasie, a accouché en prison!