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AFRIQUE: La philanthropie se développe sur le continent africain

On n’est jamais… trop philantrope!

L’émergence d’une nouvelle classe de super riches en Afrique s’est accompagnée de la multiplication des fondations philanthropiques à l’occidentale et d’autres formes structurées de dons.

altSelon un rapport récent publié par le Réseau africain des donateurs (African Grantmakers Network, AGN), les individus ayant un patrimoine net élevé (High Net Worth Individual, HNWI) vivant en Afrique donnent chaque année environ 7 milliards USD.

La croissance économique soutenue en Afrique et la récession en Occident ont contribué à «l’émergence rapide de formes structurées de philanthropie stratégique par des Africains bien nantis», indique le rapport. La croissance économique a creusé l’écart entre riches et pauvres, mais elle a également entraîné le développement d’une classe moyenne importante. Selon le rapport, celle-ci pourrait représenter 22 milliards USD de dons philanthropiques supplémentaires.

Selon des personnes œuvrant dans le secteur toutefois, certains de ces nouveaux modèles de dons ne changeront pas la vie des pauvres à long terme si les 54 pays du continent (chacun avec son propre contexte, ses propres traditions en matière de don et ses propres défis contemporains) ne développent pas des modèles philanthropiques au niveau communautaire et local.

Elles évoquent également l’importance d’avoir accès à une plus grande quantité de données et à des données de meilleure qualité pour déterminer où va l’argent des philanthropes. Le même rapport note en effet que la destination de seulement 1 milliard sur les 7 donnés par les Africains bien nantis était connue et que seuls 22 des 40 Africains les plus riches selon la liste Forbes étaient impliqués, eux ou leur famille, dans des initiatives philanthropiques. Il précise toutefois que les nouveaux riches sont probablement nombreux à déclarer une partie seulement de leurs dons en raison notamment de «sensibilités en ce qui concerne l’origine de leur richesse» et d’implications fiscales potentielles. Le rapport souligne aussi l’absence, dans de nombreux pays, d’un «environnement politique favorable» à la mise en place d’initiatives philanthropiques structurées.

Les plus riches d’Afrique donnent moins de 1% de leur patrimoine net, contre 9% en Europe, en Asie et en Amérique latine, indique le rapport. Parmi les familles les plus riches, nombreuses sont celles qui ne sont pas officiellement engagées dans des initiatives philanthropiques. 

«Certaines d’entre elles donnent sans doute de manière anonyme ou informelle, mais, alors que les plus riches subissent des pressions pour agir, les données suggèrent l’existence d’un grand groupe de nantis moins connus qui, pour le moment, ne se sentent pas obligés de participer à des initiatives philanthropiques sur le continent».

Les nouveaux riches nigérians montrent la voie

La philanthropie gagne malgré tout en popularité, et ce sont les nouveaux riches du Nigeria qui montrent la voie, suivis de ceux d’Afrique du Sud, du Kenya et du Zimbabwe. Nombre d’entre eux utilisent des modèles d’affaires pour faire bénéficier les autres de leur richesse, notamment en soutenant de petites entreprises ou en éduquant de futurs entrepreneurs. En Afrique australe, une région traditionnellement plus riche, il y a une forte tradition de dons formels. Les principaux donateurs de la nouvelle génération incluent Patrice Motsepe, Tokyo Sexwale, Cyril Ramaphosa et Jay Naidoo, d’Afrique du Sud, et Strive Masiyiwa, du Zimbabwe. Tony Elumelu, Theophilus Danjuma et Aliko Dangote comptent quant à eux parmi les plus importants donateurs nigérians.

Dans le cadre d’une interview diffusée sur CNN il y a plusieurs mois, M. Elumelu, fondateur de la Tony Elumelu Foundation, a décrit l’Afrique comme «un continent d’opportunités économiques» où «le retour sur investissement est énorme […] Le meilleur moyen de réduire la pauvreté de manière durable dans l’ensemble de l’Afrique, c’est de développer le secteur privé et, finalement, de créer des emplois». Sa fondation apporte notamment son soutien à de petites et moyennes entreprises en leur offrant l’aide de diplômés des grandes écoles de commerce.

Des institutions comme le Réseau africain des donateurs, créé en 2009 et possédant des bureaux à Dakar et à Johannesburg, la fondation de M. Elumelu (2010) et le Forum de la philanthropie africaine (African Philanthropy Forum, APF), lancé en février de cette année à Addis Abeba, montrent que les dons institutionnalisés versés par les riches sont de plus en plus courants.

Sheilagh Gastrow, directrice générale d’Inyathelo, une organisation basée en Afrique du Sud qui cherche à renforcer les capacités des ONG locales en leur accordant des dons, dit qu’il y a une «sensibilisation mondiale cruciale autour de la philanthropie et [que] ce qui se passe en Afrique s’inscrit dans ce contexte. Ce n’est pas particulier à l’Afrique. La philanthropie gagne en popularité», a-t-elle dit, ajoutant que les personnes très fortunées sont enclines à nouer des contacts entre elles, à envoyer leurs enfants dans les mêmes écoles et à développer des liens personnels, et qu’il n’est donc pas étonnant que cette «tendance haut de gamme» se soit propagée aux élites africaines.

Elle cite par ailleurs l’initiative appelée The Giving Pledge comme un phénomène ayant poussé de nombreuses personnes bien nanties à imiter Bill Gates, l’homme le plus riche au monde, et à donner la majeure partie de leur argent à des œuvres philanthropiques. Le milliardaire sud-africain Patrice Motsepe a été le premier Africain à signer la promesse, il y a un an.

Nouvelles façons de donner

Le rapport du Réseau africain des donateurs identifie également d’autres tendances sur le continent, notamment l’émergence de nouvelles façons de donner dans les communautés plus urbanisées (incluant la diaspora africaine) et une plus grande reconnaissance des pratiques de dons communautaires.

Il est clair que ce secteur philanthropique relativement nouveau, qui est en pleine croissance et qui évolue rapidement, ne représente qu’une fraction d’un ensemble beaucoup plus vaste et complexe d’acteurs et de pratiques ayant cours sur le continent, et que nombre de ces pratiques existent depuis des siècles.

Dans un article publié dans Alliance magazine, Halima Mohamed, conseillère en philanthropie auprès de Trust Africa, parle d’un ensemble beaucoup plus vaste et courant de «pratiques, traditions et mécanismes divers», qui, bien qu’ancrés dans les sociétés africaines, ont «été largement ignorés ou considérés comme n’ayant pas leur place dans la philanthropie dominante… Il n’y a pas si longtemps encore, l’utilisation du terme ‘philanthropie’ en Afrique était automatiquement synonyme de don formel, légal, institutionnalisé – essentiellement du haut vers le bas, presque toujours en espèces et à une très grande échelle. Cela change tranquillement: de nouveaux modèles reflétant les systèmes, les pratiques, les traditions et les mécanismes de dons qui ont longtemps joué un rôle fondamental en Afrique sont en train d’émerger».

Selon les experts, les acteurs du secteur devraient profiter de ce courant philanthropique pour s’inspirer des traditions et des pratiques locales et ainsi permettre aux populations locales de prendre en main leur développement et de s’assurer qu’il répond à leurs besoins. Comme l’écrit Mme Mohamed, «nous avons l’occasion de recadrer notre histoire et notre façon de donner afin qu’elles soient enracinées dans nos pratiques et adaptées à notre contexte».

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