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Wangari Maathay (Kenya)

La parlementaire kenyane, Prix Nobel de la Paix 2004, parle du problème de la faim dans le monde.

Wangari Maathay naît en 1940 au Kenya. A 31 ans, elle obtient son doctorat en biologie à Nairobi et, en 1977, elle crée le «Green Belt Mouvement» (Mouvement de la Ceinture Verte), organisation populaire de lutte contre la désertification, la tutelle de l’environnement et l’aide aux femmes africaines, un mouvement qui a planté 30 millions d’arbres, dans plusieurs pays africains (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Malawi, Ethiopie, Zimbabwe…). Grâce à sa contribution au développement soutenable, la paix et la démocratie, Wangari Maathay est la première africaine à obtenir le Prix Nobel de la Paix, en 2004. Aujourd’hui parlementaire kenyane, elle est digne représentante de ce monde héroïque des africaines qui oeuvrent pour sauver leur propre terre.


Que pensez-vous du milliard d’affamés dénoncés par la FAO?
Wangari Maathay: C’est triste que tant de gens souffrent la faim alors qu’il y a abondance de nourriture. Dans plusieurs endroits du monde, il y a le gaspillage:  c’est donc un problème de distribution. C’est pourquoi nous parlons d’équité, égalité, droits, respect pour les êtres humains affamés et l’environnement.

Comment les pays des Tiers et Quart-Mondes vivent-ils la crise?
Wangari Maathay: Plusieurs pays ont des difficultés à cause de la diminution des aides qu’ils devraient recevoir normalement du Premier monde, qui lui-même traverse de graves problèmes. Mais bonne partie des crises qu’affrontent aujourd’hui les pays développés sont les mêmes affrontées depuis des décennies par les pays sous-développés. Le message est que désormais le monde est beaucoup plus petit et nous devons gérer au mieux les ressources que nous avons, avec des standards différents  et aider les autres.

Malgré toutes ses richesses en matières premières,  pourquoi l’Afrique n’arrive-t-elle pas à se soulever?
Wangirai Maathay: Comme je l’écris dans le livre « Le défi pour l’Afrique« , qui reflète mon expérience de 30 ans, le fait est que ces ressources sont encore trop brutes et il manque les technologies, la connaissance et le talent pour transformer ces mêmes ressources en des biens pouvant être vendus sur le marché, à un prix qui est décidé par les pays africains eux-mêmes. En même temps, l’Afrique cherche à tenir le pas du développement pour fabriquer des produits vendus dans le monde industrialisé, à un prix fixé par les pays évolués. Mais l’Afrique, dans une certaine mesure, doit s’accuser elle-même car elle continue à ne pas instruire ses paysans, à ne pas améliorer sa technologie et à ne pas développer le talent potentiel des Africains, restant ainsi victime du système international. Tous les pays du monde viennent en  Afrique pour exploiter les ressources du continent, laissant les miettes aux Africains.

Quelles responsabilités a la classe dirigeante africaine relativement à ce développement manqué?
Wangirai Maathay: Ce sont les questions soulevées encore une fois dans le livre « Le défi pour l’Afrique« . Les leaders africains doivent assumer leurs responsabilités face à leurs citoyens qui, à leur tour, doivent assumer leur droit de faire pression en tel sens. Ce ne sont pas les leaders des autres pays qui doivent les sauver. Au 21ème siècle, l’Afrique a besoin de ressaisir. Beaucoup ont émigré et ont reçu l’instruction en occident. Avec le potentiel qu’ils ont, au lieu d’exploiter les gens, ils devraient leur donner des possibilités. Il y a toutefois eu de grandes  améliorations: on est passé par le colonialisme, on a surmonté la guerre froide, les conflits externes qui ne nous concernaient pas du tout. Nous sommes dans la post-guerre froide où les Pays africains commencent à acquérir une majeure indépendance et cherchent à respecter les droits humains, permettant l’épanouissement de la créativité et du potentiel africains. Voilà pourquoi nous écrivons des livres comme celui-ci. Nous, les Africains instruits, devons relever le défi d’assumer la mission et le devoir de guider nos concitoyens, les  libérer de la pauvreté, de l’exploitation et aussi de l’ignorance.

Vous avez obtenu le Prix Nobel de la Paix en 2004…
Wangirai Maathay: La commission pour le Prix Nobel a souligné qu’une des raisons pour lesquelles je l’ai reçu, est que nous étions en train de créer un lien entre la paix et la bonne gestion des ressources, pour une distribution et un partage équitables au niveau national et local, car la justice globale part de la justice au niveau de la communauté et de la bonne gouvernance. On prévient ainsi la frustration des émargés et des oubliés, pouvant les amener à prendre les fusils. Puis pour réparer ces guerres, on dépense des milliards qui pourraient être mieux employés au bénéfice du développement. C’est important d’aider mais c’est mieux de donner le pouvoir aux gens afin qu’ils s’aident eux-mêmes et se créent un futur autonome. Après 40 ans d’aides, plusieurs pays africains se retrouvent au même point. Les Africains se sont trop de fois assis sur les aides extérieures, oubliant de développer eux-memes ce qu’ils avaient.  

Comment peut être menée la lutte contre la faim dans le monde?
Wangirai Maathay: La FAO et les autres agences s’occupant de développement peuvent sûrement aider mais ce sont des questions qui doivent être affrontées au niveau national, grâce à la promotion agricole, la mobilisation des citoyens et des ressources nationales, la création de réseaux hydriques, la prévention des désastres naturels, à travers une planification stratégique, afin de créer un environnement  soutenable. La plantation  des arbres sur les terres arides, menacées par  l’érosion désertique, aide la planète en protégeant les forêts et les montagnes. Je crois que c’est une activité importante qui peut être menée au niveau national, par l’armée par exemple. On arriverait ainsi à promouvoir un environnement soutenable, ce qui, à son tour, représente une condition et une ressource de grandes aide et utilité pour l’agriculture soutenable, de manière que les gens puissent produire leurs propres denrées alimentaires et ne pas dépendre des aides extérieures.

Milton Kwami

Mohamed Ali Ndiaye

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