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TABAGISME: L’Afrique, cendrier de l’Occident?

Les jeunes Africains sont dans le collimateur des multinationales du tabac.

Celles-ci les attirent grâce à des activités culturelles et ludiques. Les gouvernements ferment les yeux et refusent de dénoncer le lien entre tabac et mortalité. Pourtant deux millions d’Africains en meurent par an.

Malmenées en Occident par des réglementations anti-tabac de plus en plus restrictives, les grandes firmes se rabattent sur l’Afrique, un marché de 700 millions de consommateurs potentiels, constitué pour moitié de jeunes de moins de 20 ans.

“Pour elles, l’Afrique est un territoire vierge, il n’y a pratiquement pas de règlements et très peu de programmes publics de lutte anti-tabac. En Afrique francophone par exemple, seuls le Sénégal et le Mali ont adopté des lois, peu respectées au demeurant2, affirme Me Mahamane Ibrahima Cissé, président de SOS Tabagisme-Mali, qui a dénoncé les manœuvres des multinationales du tabac en Afrique lors de la 1ère Conférence internationale francophone sur le contrôle du tabac, en septembre à Montréal.

Les compagnies de tabac mènent une politique agressive de parrainage d’activités culturelles et ludiques, alors que les États doivent opérer des coupes claires dans leur budget.

« Les manifestations culturelles et sportives ont besoin de sponsors mais les ministères n’ont pas d’argent, dit Elhadj Adam Daouda, secrétaire général de l’Association de défense des consommateurs du Tchad. Elles se tournent vers les fabricants de cigarettes! »

Les gouvernements ferment les yeux, arguant que les cigarettiers donnent du travail à beaucoup de monde: cultivateurs, employés de manufacture, vendeurs à la criée, etc.

Ces emplois qui aident à résorber un chômage endémique n’expliquent pas tout, selon Inoussa Saouna, président de SOS Tabagisme-Niger: « Il y a beaucoup d’affinités entre les compagnies de tabac et les politiciens, dit-il. Avec les brasseries, elles sont les plus importants bailleurs de fonds des partis politiques en Afrique. Elles exercent aussi une forte influence sur l’administration publique« .

En Afrique , malgré le cri de détresse du mouvement anti-tabac, les autorités rechignent à légiférer sur le commerce et la consommation du tabac. Aucune mesure n’a été prise pour interdire sa publicité dans les rues, les médias et autres lieux publics. Les état se contentent de multiplier les taxes à l’importation pour renflouer leurs caisses. Il sont en effet parmi les grands bénéficiaires: au Togo par exemple, les droits et taxes sont passés de 41,56 % à 58,29 % entre 2000 et 2001, atteignant la somme 2,5 milliards CFA (3,75 millions d’euros). Au Tchad, le tabac rapporte à l’État 4 milliards CFA (6 millions d’euros).

 

En face, les organisations anti-tabac s’activent, sur les terrains éducatif, législatif et judiciaire. Mais leurs  slogans et affiches (tels que: « Luttons pour un monde sans tabac« , « Vivre sans tabac est meilleur« , « Le tabac, la mort« … ) paraissent bien timides, à côté des panneaux géants des fabricants de cigarettes.  « Jusqu’à tout récemment, il n’y avait même aucune mention du caractère dangereux de la cigarette sur les paquets« , explique Elhadj Adam Daouda. Une mention que, de toute façon, la partie illettrée de la population ne sait pas lire.

Pire, les médecins n’y voient rien de mal. « En RD Congo, bien des médecins ne savent même pas que le tabagisme est un problème« , affirme le Dr. Anik Mulwane, qui a exercé 15 ans à Kinshasa avant de s’établir au Québec.

L’action législative et judiciaire est elle aussi aléatoire. Les firmes ne chôment pas pour entraver toute évolution de la législation qui nuirait à leur expansion.

Les associations sont parfois rejointes par l’administration, mais on trouve souvent, d’un côté, un ministère de la Santé qui a conscience du problème et veut préserver la jeunesse, malgré le manque de moyens. Et de l’autre, un ministère du Commerce qui, calculette en main, estime que toute nouvelle marque qui s’implante, c’est autant d’argent à prendre.

Finalement, la santé des populations est rarement prise en compte. Pourtant, l’OMS estime que près de deux millions d’Africains meurent chaque année à cause du tabac. Beaucoup de fumeurs sont fatalistes. « Après tout, on doit bien mourir de quelque chose« , disent-ils.

Le cow-boy américain de Marlboro risque de galoper longtemps encore dans les plaines calcinées du Sahel.

André L.

 

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