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ERYTHREE: Le pays a vingt ans, comme ceux qui la fuient!

Deux décennies d’indépendance: en… « 20 »?

Elle fut la plus jeune nation d’Afrique. L’Erythrée est née officiellement le 24 mai 1993. Toujours dirigé par l’ombrageux président Issayas Afeworki vingt ans plus tard, ce pays est sans doute l’un des plus secrets du monde. Retour sur l’histoire d’une indépendance tourmentée.

altLe 24 mai 1993 à minuit, l’incroyable aventure érythréenne connaissait un dénouement heureux. Après 30 ans de maquis, l’indépendance était enfin proclamée. Les rebelles du Front Populaire de Libération de l’Erythrée (FPLE), commandés par le taciturne Issayas Afeworki, accédaient enfin au pouvoir.

Une nation restait à construire. La plus jeune nation d’Afrique venait de naître: la clameur de joie qui s’est élevée dans Asmara cette nuit-là a couvert un instant les crépitements du feu d’artifice.

C’était il y a 20 ans, jour pour jour. Le dictateur éthiopien Mengistu Hailemariam avait été poussé à l’exil au Zimbabwe 2 ans plus tôt, le 24 mai 1991, par l’entrée des rebelles de Meles Zenawi dans Addis-Abeba. Simultanément, les guérilleros érythréens étaient entrés dans leur capitale enfin libérée, Asmara, en vertu d’un accord avec leurs cousins éthiopiens : l’indépendance contre l’appui dans la lutte contre le «Négus rouge» Mengistu Hailemariam. L’union avait fait la force.

C’était pour peu de temps seulement. L’introduction d’une monnaie nationale en Erythrée dépréciant le birr éthiopien, les querelles permanentes sur l’utilisation du port d’Assab, les provocations éthiopiennes dans le tracé des frontières, ajoutées à l’inimitié personnelle entre Meles Zenawi et Issayas Afeworki, poussent les deux anciens alliés à l’affrontement. Entre 1998 et 2000, l’Ethiopie et l’Erythrée se livrent une impitoyable guerre d’artillerie et de tranchées, tuant près de 100 000 jeunes des deux pays pour des arpents de cailloux.

Au retour d’une paix fragile, l’Erythrée est mal en point. Le pays est dévasté par la guerre. Le caractère autoritaire du président commence à être contesté au sein du parti unique. D’anciens compagnons d’armes réclament l’application de la Constitution de 1997, jamais ratifiée. Les quelques journaux de la capitale relaient les débats. On parle d’élections.

Mais durant l’été 2001, tout bascule. L’université d’Asmara, foyer de contestation, est fermée en août. Les étudiants? Envoyés en camp militaire. Des rumeurs de coup d’Etat circulent, ainsi que la crainte d’une purge massive. Celle-ci se déroule à l’abri des regards, dans l’ombre des attaques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Le 18, les réformistes, dont des amis d’enfance d’Issayas, sont raflés à l’aube. La presse privée est interdite. Dans la semaine qui suit, dans l’indifférence générale, les journalistes sont incarcérés avec leurs mentors. Personne ne les a plus revus depuis.

Depuis cette date, l’Erythrée s’est enfoncée dans le totalitarisme. Issayas Afeworki règne sur une caserne disciplinaire. En ville, les mouchards sont partout. Les lycéens sont enrôlés de force dans l’armée dès qu’ils sont en âge de porter une arme, à coups de rafles improvisées s’il le faut.

Ils sont envoyés sur les grands chantiers de la présidence: routes, plantations, fermes, manufactures, administrations, sans démobilisation possible avant l’âge de 40 ou 50 ans.

La discipline imposée par la poignée de généraux qui gèrent le pays est terrible. Sévices, enfermements, humiliations, au nom de la patrie triomphante et du sacrifice des anciens. C’est à ce prix que le gouvernement affiche fièrement ses 8% de croissance par an, croissance de surcroît tirée vers le haut par les coentreprises montées avec des multinationales minières. Entre-temps, les pénuries sont générales dans le pays.

Alors, la jeunesse s’enfuit, à pied, à travers les champs de mines des frontières. Plusieurs milliers de réfugiés érythréens viennent s’entasser dans les camps de réfugiés du Soudan et d’Ethiopie, chaque mois. La crise humanitaire, silencieuse et continue, dure depuis 10 ans.

Pour faire régner l’ordre et la paranoïa, l’ombrageux Issayas Afeworki a ordonné en 2012 la distribution de kalachnikovs aux chefs de famille. Des milices de quartier quadrillent désormais les villes, la nuit. Le président n’a jamais expliqué cette décision.

On dit que certains de ses fidèles généraux se seraient insurgés contre le dangereux armement du peuple. Peu de temps, cela dit. La brève mutinerie d’une unité mécanisée, le 21 janvier dernier, s’est soldée par une nouvelle vague d’arrestations dans l’entourage du chef de l’Etat.

Pour Issayas Afeworki, l’Erythrée est toujours en guerre. Contre des voisins malveillants, mais surtout contre la CIA et les «groupes d’intérêts spéciaux» américains qu’il dénonce à chaque interview. Pendant que les rebelles d’Issayas se battaient contre les troupes de Mengistu, les communistes éthiopiens qualifiaient les indépendantistes érythréens «d’agents impérialistes». Son pays, Issayas Afeworki le dirige comme son maquis. Dans le secret et le mépris des critiques, à marche forcée, comme son mentor Mao Zedong le lui a appris lors de son passage à l’Académie militaire de Nankin pendant la révolution culturelle.

C’est ainsi que, 20 ans après leur libération, les Erythréens cherchent encore la liberté; deux décennies d’indépendance… en vain?

L. Vincent

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