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TRANSFERTS D’ARGENT: Envois de fonds – Un frein pour l’économie?

L’économie coulerait à… fonds?

Une aubaine pour les ménages mais aussi pour le gouvernement, les envois de fonds représentent une manne importante dans l’économie mondiale. Sauf que, jetant un pavé dans la marre, l’économiste du Fmi Ralph Shami du département pour le moyen Orient et Asie centrale du FMI, estime que ces fonds qui arrivent «gratuitement» au gouvernement sont susceptibles d’alimenter la corruption. Ce ne sont pas tant les envois de fonds qu’il met en cause mais plutôt leur nature.

altLa pratique des envois de fonds qui consiste à envoyer de l’argent au pays quand on est à l’étranger joue un rôle important dans l’économie mondiale. Les envois de fonds à travers le monde dépasseraient de loin les montants de l’Aide publique au développement(Apd).

Ils ont en tout cas dépassé 400 milliards de dollars, l’année dernière, selon la Banque mondiale. Et pour plus de 60 pays, ils contribueraient au moins pour 5% dans le PIB. En Afrique et particulièrement au Sénégal qui dispose d’une forte colonie à l’extérieur, les envois de fonds évalués à quelque 700 milliards de FCfa environs, sont une source importante pour l’économie sénégalaise et bien souvent, ils sont d’un grand secours pour les familles des travailleurs émigrés.

Mais selon Ralph Shami du département pour le moyen Orient et Asie centrale du FMI (Fonds monétaire international), qui intervenait dans un bulletin du Fmi, au début du mois en cours, ces flux internationaux de liquidité peuvent être un frein pour l’économie du pays bénéficiaire.

Selon l’économiste du Fmi, lorsqu’on envoie des fonds à sa mère, par exemple, ce n’est pas pour qu’elle investisse mais pour qu’elle puisse consommer. Il attire cependant l’attention sur le fait que lorsque nous consommons, ce n’est pas seulement des marchandises locales mais aussi étrangères. D’où beaucoup de déperditions. Les dollars qui arrivent dans le pays en ressortent, ce qui, selon lui, ne profite pas nécessairement à l’économie locale.

Ces fonds, les destinataires peuvent les utiliser pour envoyer leurs enfants à l’école voire à l’université. Si c’est une bonne chose, un grand nombre de ces bénéficiaires les investissent toutefois dans leur propre éducation dont ils se servent par la suite pour quitter leur pays.

Toute chose qui, selon l’économiste, contribue à l’exode des cerveaux qui est ainsi aggravé par les envois de fonds parce que, dit-il, « Vous avez une meilleure éducation, de meilleurs soins de santé et en général, le membre de la famille qui part à l’étranger est celui qui, aux yeux de ses proches, est le plus capable de vivre dans un autre pays pour pouvoir leur envoyer de l’argent. »

Pourtant au plan macro, les envois de fonds augmentent certes les recettes fiscales du fait qu’ils alimentent la consommation voire l’investissement, agrandissant ainsi la base d’imposition et créant ainsi un espace budgétaire qui peut être utile au gouvernement. Sauf qu’à ce niveau, la véritable question pour l’économiste est : que fait le gouvernement ?

Evoquant « certains travaux », l’économiste parle d’espace budgétaire ainsi créé par les envois de fonds et qui, accentue la corruption du fait que certains gouvernements estiment que cet argent qui leur arrive par les envois de fonds est tout bonnement gratuit.

Ce qui se passe, selon les explications de l’économiste, c’est que des recettes fiscales arrivent à l’Etat, diminuent le coût de l’action publique et le gouvernement se sent moins obligé d’expliquer ce qu’il fait avec cet argent. Ce qui lui donne la latitude de s’en servir à bon escient ou d’utiliser ces fonds à d’autres fins peu avouables. Autrement dit, ces fonds peuvent alimenter d’autres types de comportements improductifs de la part du gouvernement.

En tout état de cause, il existerait une dynamique en vertu de laquelle l’argent ne sert guère à améliorer les services sociaux importants. Le gouvernement considérant que, si votre famille peut vous aider à financer votre éducation, vous donner accès à de meilleurs soins de santé, pourquoi devrait-il (le gouvernement) le faire ?

Les envois de fonds créeraient ainsi un aléa moral au profit du gouvernement du pays bénéficiaire qui peut ainsi s’affranchir et à peu de frais de la fourniture de ce qui devrait être des biens publics. Un aléa moral doublement néfaste, l’individu étant conscient que le gouvernement ne lui fournira sans doute pas ces services, mais il ressent moins le besoin de lui demander des comptes parce qu’il bénéficie en quelque sorte d’une assurance fournie par quelqu’un à l’étranger.

De son côté, le gouvernement sachant que les individus reçoivent des fonds, se sent moins obligé de fournir des services qu’il ne le serait si ces fonds n’existaient pas.

Au Sénégal, en tout cas, les flux financiers vers le Sénégal par les migrants sont mal connus du fait des canaux formels et informels qui sont utilisés. Aussi, l’urgence d’apporter des mesures correctives passant nécessairement par une maîtrise et une meilleure connaissance des flux générés par ces envois, a justifié une étude notamment de la Direction de la Monnaie et du Crédit/MEF.

Une étude qui s’est déroulée dans un contexte où des réflexions sont engagées pour l’amélioration du solde des transactions courantes nécessitant une analyse des différents postes le composant dont celui des transferts courants. Sans nier le rôle d’atténuateur de la pauvreté, l’économiste regrette que les envois de fonds ne soient pas, dans la pratique, une source de capital pour le développement.

L’idée ici, serait de modifier la nature de ces fonds. Alors qu’aujourd’hui ils atténuent la pauvreté en servant de tampon en cas de choc, il serait plus judicieux d’en faire une sorte de capital privé.

L’hypothèse émise serait de trouver le moyen de canaliser les envois de fonds vers l’épargne. Etant donné que les envois de fonds sont désormais effectués par voie électronique au moyen de téléphones portables, les gens ont, quelque part, un solde électronique et l’utilisent peu à peu pour acheter des marchandises.

Mais cela, selon M. Shami, veut dire qu’il y a toujours un certain montant résiduel, le résultat est qu’on a instantanément de l’argent en banque. Ainsi, dans un certain sens, une nouvelle culture est entrain de se mettre en place. Une culture davantage axée sur l’épargne que sur la consommation.

Peut-être que si les gens ont de l’argent en banque plutôt que directement dans leurs poches, ils apprendront à en épargner une partie et cela alimenterait l’investissement. Toute la question est comment changer la nature des envois de fonds.

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